mardi 12 septembre 2000

Les princes kurdes marwanides et les savants syriaques

Ancien Testament et quelques feuillets du Nouveau Testament.
Mésopotamie, VIe-VIIIe siècles. Parchemin.
BNF, Manuscrits orientaux (Syriaque 341)




Ce jour-là, je me mis à rêver à la Haute Mésopotamie, à ses héros et je me retrouvai à la fin du dixième ou plutôt au onzième siècle après notre ère. C’était comme si le flot de notre époque refluait vers un autre âge, découvrant des terres riches d’histoire.

Les princes de la dynastie des Marwanides régnaient alors sur la grande province du Diyar Bakr.

Comment retrouver leurs actions d’éclat, leur puissance suzeraine, leur gloire ardente, leur héroïque légende ? Ils vivaient une époque où la jeunesse, l’audace, l’adresse, l’intelligence se dépensaient généreusement pour fonder un nouvel Etat, une brillante dynastie...



La Djézira

Le Diyar Bakr (chef-lieu Amid , aujourd’hui Diyâr Bakr) constituait l’un des trois districts de la Djézira, "la presqu’île". C’était ainsi que les auteurs appelaient la Haute Mésopotamie, région comprise entre les cours supérieurs du Tigre et de l’Euphrate. La Djézira comprenait encore les districts de Diyar Rab’ia (chef-lieu Mossoul) et Diyar Mudar (chef-lieu Rakka, sur la rive gauche de l’Euphrate). Elle correspondait à un territoire situé de nos jours en Syrie, en Irak, en Turquie.

Des Kurdes, d’origine indo-européenne, vivaient avec d’autres peuples dans le Diyar Bakr, province éloignée de Bagdad, à la limite de l’empire byzantin, qui, outre Amid, incluait plusieurs cités et cantons : Arzan, Mayyafarikin, Hisn-Kayfa (Aujourd’hui Hasankeyf), mais aussi Khilat, Melazgerd, Ardjish, et un canton situé au nord-est du lac de Van.


Le début de la dynastie des Marwanides

Le chroniqueur de la Djézira au douzième siècle, Ibn al-Azrak al-Fariki, ainsi que l’écrivain arabe Ibn al-Athir, et les chroniqueurs syriaques Elie de Nisibe, Michel le Grand, se plurent à nous conter l’histoire des Marwanides.

Le fondateur de cette dynastie fut un berger kurde, Abu Shudja ’Badh b. Dustak. Il abandonna ses bêtes, prit les armes, devint un vaillant chef de guerre et acquit une certaine notoriété. A la mort de ‘Adud al Dawla, qui gouvernait l’empire musulman, en 983, un Buyide de la dynastie d’émirs iraniens, Badh prit Mayyafarikin, ville située au nord-est du Diyar Bakr. C’était l’ancienne Martyropolis, l’actuelle Silvan. Il s’empara aussi d’Amid, d’Akhlat, et de Nisibe.

Cette dernière ville, assise au sud de la région montagneuse de Tur ‘Abdin (aujourd’hui Nusaybin, en Turquie) avait une longue histoire. Marche-frontière entre les Sassanides et les Byzantins, elle était aussi un point de transit des caravanes. Elle avait été soumise par les Arabes en 639.


Le chroniqueur Elie de Nisibe et les Marwanides

Un chroniqueur syriaque, Elie, métropolite de Nisibe, fut le témoin avisé de l’arrivée des Marwanides. Dans ses écrits, il parle élogieusement de ces émirs éclairés, tolérants. Ne surent-ils pas nouer des relations pleines d’estime, de respect, d’amitié, avec les intellectuels syriaques orientaux (nestoriens) et occidentaux (jacobites), qui résidaient en majorité dans les villes de leur principauté et cohabitaient sans heurts avec les Kurdes et les Arabes ?

Qui étaient les Syriaques ? Les héritiers des antiques Assyriens, des Babyloniens, et aussi des Araméens. Les Syriaques parlaient un dialecte de l’araméen. Ils en firent une langue culturelle et scientifique, le syriaque. Ils se convertirent, dès les premiers temps de notre ère, au christianisme. Edesse et sa région furent des foyers d’évangélisation active.

Elie de Nisibe, appelé aussi Elie bar-Shenaya, naquit le 11 février 975 dans la ville de Shena, assise au confluent du Tigre et du grand Zab, centre d’un évêché syriaque oriental depuis le début du VIIIème siècle. Il se fit moine. Il fut ordonné prêtre, archiprêtre, à l’âge de dix-neuf ans, puis nommé au Ils monastère d’Abba Siméon, non loin de Shena. Il étudia encore au monastère de Saint-Michel, à côté de Mossoul, fort apprécié pour ses vignes par les auteurs arabes.

Nommé en l’an 1002 évêque de Beit Nuhadhre, la région fertile de Dohuk, sur la rive gauche du Tigre, Elie de Nisibe devint, à partir de l’année 1008, métropolite de Nisibe.

La ville était, au début du onzième siècle, fort agréable, avec ses belles maisons, sa mosquée, ses bains, ses riches jardins. Elle relevait politiquement et administrativement de l’émir du Diyar Bakr.

Religieusement, Nisibe était depuis longtemps un foyer important. Elle abrita une fameuse école, dont l’évêque Jacques de Nisibe jeta les bases au quatrième siècle.

Au cinquième siècle, centre ecclésiastique du Bét ‘Arabayé, Nisibe avait plusieurs diocèses suffragants comme le Bét Qardu, la Djézira du Bét Zabdaï, la Moxoène, région située entre le lac de Van et le Bohtan Su, l’Arzanène, au nord du confluent du Bohtan avec le Tigre. A l’époque d’Elie, Harran, Amid, Rashaïna, Balad et Sindjar se rattachaient au siège de Nisibe.

Le métropolite Elie vécut dans cette ville jusqu’à sa mort qui survint en 1146 et s’adonna à divers travaux intellectuels. Il connaissait le syriaque et l’arabe, la culture islamique. Il laissa des oeuvres nombreuses, comme la Chronographie, une Grammaire syriaque, un Lexique arabo-syriaque, des hymnes, des homélies métriques, des lettres, écrits en syriaque.

Elie de Nisibe écrivit en arabe des oeuvres théologiques et morales. En voici quelques titres :

- "Le livre de la suppression de l’inquiétude" (Edition Constantin al-Bacha, Le Caire)

- "Maximes utiles à l’âme et au corps" (Edition P. Sbath, Le Caire, 1936)

-"Traité sur la joie de la vie future". (L.Cheikho, Vingt Traités Philosophiques et Apologétiques d’Auteurs arabes Chrétiens, Le Caire 1929, P. 129-132)

Sa Chronographie, datée de 1018, conserve une grande importance pour l’histoire kurde, car l’auteur nous donne des détails précieux sur les biographies des premiers souverains marwanides et sur les rencontres des savants syriaques et des Kurdes.


La tragédie de l’émir Abu ‘Ali al-Hasan b. Marwan

Elie de Nisibe évoque brièvement la vie d’Abu ‘Ali al-Hasan.

Après la mort de son oncle Badh, l’aîné des fils de Marwan se retira à Hisn-Kayfa, épousa la veuve du vieux chef de guerre. Il combattit les derniers Hamdanides, les mit en déroute et ressaisit toutes les forteresses.

Elie raconte la fin tragique de ce prince qui périt à Amid en 997 sous les coups des habitants en révolte. Son frère Abu Mansur Sa’id lui succéda, sous le nom de Mumahhid al-Dawla

(Pour les citations, j’ai préféré garder la transcription des noms propres adoptée par les traducteurs des textes syriaques) :

" En lequel l’émir Abu ‘Ali, fils de Merwan, alla à Amid et les habitants sortirent au-devant de lui. Comme il entrait à la porte de la ville un homme appelé ‘Abd el Barr le tua, se révolta et domina la ville. Abu Mansur Sa’id, fils de Merwan, était alors gouverneur de Gézirta. Quand il apprit que son frère était tué, il se hâta d’aller à Maïpherqat et y inaugura son règne le jeudi 7 Dulqa’da [11 novembre 997 de J.-C.]. Depuis ce moment il eut pour nom Mumahhid ed-Daula."

(La « Chronographie d’Elie bar-Sinaya, Métropolitain de Nisibe », édition et traduction L.-J. Delaporte, Paris, 1910, P. 138


Mumahhid ed-Dawla Sa’id et le médecin Bokhtisho

Mumahhid, habile diplomate, sut se servir des ambitions des Byzantins présents au nord de l’Anatolie. Les relations de ce prince avec l’empereur de Byzance Basile II (976-1025) furent plutôt amicales. Quand Basile apprit le meurtre de David, roi du pays de Gorzan, (la Haute Géorgie), qui avait légué par testament son Etat à l’Empire byzantin, il abandonna la campagne qu’il avait entreprise en Syrie pour s’assurer de l’obéissance des émirs arabes et il franchit l’Euphrate. Il annexa l’Etat de David, reçut les serments des vassaux, venus à sa rencontre, comme Mumahhid ed Daula, qui "mit le pied sur son tapis", en l’an 999 :

"En lequel ( 390 h. / 1311 sél. ) mourut David, roi des Gorzaniens. Le roi des Romains, Basile, sortit dans le pays de Gorzan. Mumahhid ed Daula vint au-devant de lui et marcha sur son tapis. Le roi le reçut avec joie et le fit maître. Il y eut alors la paix aux frontières. " (Idem P. 138);

Mumahhid ed Daula profita de cette paix pour restaurer les remparts de sa capitale Maïpherqat, demeure de sa souveraineté, et y faire inscrire son nom, qui rayonne encore de nos jours.

En l’an 1000, il demanda à l’émir buyide Baha’ al Dawla de lui envoyer le médecin chrétien Gabriel b. ‘Abd Allah b. Bokhtisho, attaché à l’hôpital de Bagdad. Ce dernier descendait de la célèbre famille des Bokhtisho, au service des califes ‘abbassides depuis Al Mansur (754-775) Alors âgé de 80 ans, Gabriel monta avec son fils vers la petite ville fortifiée de Mayyafarikin pour y prendre ses fonctions. Il y mourut deux ans plus tard, couvert d’honneurs et de richesses.

Mumahhid al-Dawla Sa’id connut une fin tragique, comme son frère Abu ‘Ali al-Hasan. Mécontent, peiné, Elie de Nisibe regretta longtemps son prince. Il qualifia d’impie, terme très fort chez les Syriaques, l’homme qui abattit par la ruse "l’émir béni", qu’il estimait tant. Le jeune frère de Mumahhid, Nasr al-Dawla Ahmad, combattit aussitôt le meurtrier. Dieu, dans sa justice, lui donna la victoire en l’an 1010 :

"En lequel l’impie Sarwin usa de ruse pour tuer dans la nuit du jeudi 5 Gumada I [14 décembre 1010 de J.-C.] l’émir béni Mumahhid ed-Daula. Mais le Seigneur donna la victoire à Abu Nasr, frère de Mumahhid ed-Daula, et livra Sarwin dans ses mains. Il le tua et devint émir sous le nom de Nasr ed-Daula." (Idem, P. 141)


L’émir victorieux Nasr al-Dawla Ahmad b. Marwan

Le troisième fils de Marwan, accéda donc au pouvoir, après les deux règnes précaires de ses frères aînés. Fin politique, il sut habilement s’imposer à l’émir buyide Sultan al-Dawla, au calife fatimide d’Egypte Al Hakim et à l’empereur de Byzance Basile II. Tous trois lui envoyèrent des messages de félicitations. Ils représentaient les grandes puissances qui entouraient l’Etat-tampon de Mayyafarikin.

Elie de Nisibe nous rapporte que Nasr al-Dawla Ahmad b. Marwan, "l’émir victorieux", reconquit, en l’an 1011, Amid, ville importante de son territoire, alors dominée par son vassal Ibn Dimne :

"En lequel l’émir victorieux Nasr ed Daula alla assiéger Amid et presser Ibn Dimne. Quand Ibn Dimne vit qu’il n’avait aucun secours à espérer, il se soumit à Nasr ed Daula. Des fonctionnaires et des collecteurs d’impôts vinrent dominer la ville et y devinrent puissants. - En lequel Ibn Dimne fut tué. Ce furent des gens de la ville d’Amid qui le tuèrent. Nasr ed Daula s’empara de la ville." (Idem P. 141)

Nasr al-Dawla Ahmad, selon d’autres sources, reconquit Amid vers l’an 1024.

Il signa avec l’Empire de Constantinople un pacte de non-agression mutuelle, mais le viola une fois ou deux. La renommée de ce prince kurde, musulman, devint telle que les habitants d’al-Ruha, (Edesse), à l’ouest, firent appel à lui pour les délivrer d’un chef arabe. Nasr al-Dawla b. Marwan s’empara de la ville d’Edesse en 1026-27, l’ajouta à ses possessions. Le célèbre auteur syriaque occidental Abou’l Faradj Bar Hébraeus (1226-1286) raconte la guerre en ces termes :

"En la même année, Nasr al-daula b. Marwan, le Seigneur du Diyâr Bakr, régna sur la ville d’Edesse; celle-ci appartenait à un homme de la tribu de Numayr appelé Athyra qui était méchant et ignorant. Les Edesséniens écrivirent à Nasr al-daula pour lui livrer le pays. Nasr al-daula leur envoya son lieutenant qui séjournait à Amid et se nommait Zingi. Zingi conquit la ville et tua Athira."

(Bar Hébraeus, « Chronique universelle », Mokhtassar al-Doual, Beyrouth, P. 180)

Nasr al-Dawla annexa donc Edesse, mais la ville fut reprise avec liesse par le roi de Byzance en 1031. N’occupait-elle pas une place particulière dans l’histoire du Christianisme ?

Le long règne de Nasr al-Dawla Ahmad marqua l’apogée de la puissance marwanide. Il bâtit une nouvelle citadelle sur une colline de Mayyafarikin où se trouvait l’Eglise de la Vierge, il construisit des ponts, des bains publics. Il restaura l’observatoire. Des bibliothèques équipèrent les mosquées de Mayyafarikin et d’Amid.

Le souverain magnanime, juste et pragmatique, réunit autour de lui, dans la noble cité de Mayyafarikin, qu’animait le soleil de l’Orient, des ascètes, des savants, des historiens, tel Ibn al-Athir, des poètes, comme ‘Abd Allah al-Kazaruni, al-Tihami. Il donna refuge à des réfugiés politiques, tel le futur calife ‘abbasside Muktadi (1075-1099) Il chercha les plus belles concubines, les meilleurs cuisiniers, mais, fort pieux, observa strictement les prescriptions religieuses. Sa cour brillante impressionna les visiteurs par son luxe et son raffinement sans pareils, les retint un moment, les enivra comme une coupe de vin précieux.


Le vizir Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi et le métropolite Elie

Nasr al-Dawla b. Marwan demeura au pouvoir pendant plus de cinquante ans, maintenant dans la paix son peuple. Il choisit d’éminents vizirs, qui dotèrent le Diyar Bakr d’une grande prospérité économique et culturelle. Citons parmi ceux-ci Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi qui fut aussi vizir du prince ‘Uqaylide de Mossoul Kirwash b. al-Mukallad, puis du calife de Bagdad al-Kadir.

Al-Maghribi se mit au service de Nasr al-Dawla à Mayyafarikin et resta en fonction de 1025 à 1027. Homme de culture, il possédait une riche bibliothèque. Il écrivit plusieurs ouvrages politiques, dont un manuel sur le gouvernement idéal, Kitab fil-Siyasa, adressé à un monarque, sans doute Nasr al-Dawla b. Marwan.

Dans la principauté kurde de Mayyafarikin, Al-Maghribi entretint des rapports cordiaux avec quelques lettrés syriaques, ses sujets. Il aimait s’entretenir de questions religieuses avec Elie, métropolite de Nisibe, homme pieux, féru de connaissance et de savoir, doué d’un jugement sûr, plein de tact, de diplomatie.

Dans un ouvrage d’apologétique, "Le livre des Entretiens", conversations qu’il eut en l’année 1026-7 avec le puissant vizir, Elie nous narrait avec talent leur première rencontre :

" Le vizir - que Dieu lui fasse miséricorde - entra à Nisibe le vendredi 26 du premier Jumâdâ de l’année dernière, c’est-à-dire de l’année 410. [L’an 410 des Arabes/1026 de l’ère chrétienne] Je me présentai chez lui le samedi suivant (je ne l’avais encore jamais vu auparavant); il me fit approcher, m’honora et me fit asseoir à côté de lui. Après avoir invoqué Dieu pour lui et lui avoir présenté mes félicitations à l’occasion de son arrivée, je me levai pour me retirer mais il m’arrêta et me dit : "Sache qu’il y a longtemps que je désirais te rencontrer et te voir abondamment, je veux que tu sois à ma disposition pour venir chez moi et en sortir à n’importe quel moment selon que je le souhaiterai".

Je lui répondis que je n’avais d’autre désir que de lui obéir et m’assis. "

(Elie de Nisibe, « Le livre des entretiens », traduction de Bénédicte Landron, « Attitudes Nestoriennes vis à vis de l’Islam », Cariscript, Paris, 1994, P. 290)

Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi rapporta ensuite au métropolite qu’il avait vu, au cours d’un voyage, un signe prodigieux. Ce signe lui faisait croire que les chrétiens n’étaient pas aussi incrédules qu’il le supposait :

"Voici d’abord ce que j’ai vu et qui me fait douter de leur incrédulité. Lorsque j’étais pour la première fois dans le Diyar Bakr, je me rendis à Bidlis [aujourd’hui Bitlis, à l’ouest du lac de Van] pour certaines affaires dont j’étais chargé. En arrivant dans cette ville, je tombai gravement malade si bien que mes forces m’abandonnèrent, et que je perdis tout goût à quoi que ce soit et désespérai de la vie. Je partis pour retourner à Mayyafarikin afin que dans le cas où Dieu - louange à lui - aurait eu décidé pour moi ce à quoi nul n’échappe, cela m’arrive dans cette ville ou à proximité d’elle. Je ne pouvais supporter ni nourriture ni boisson, et endurai à cause de la fatigue de ce voyage à cheval une souffrance accablante. Je parcourais chaque jour une courte distance tandis que ma faiblesse augmentait, que mes forces m’abandonnaient, que ma maladie empirait et s’aggravait; j’arrivai à un monastère situé sur le chemin, qu’on appelle monastère de Mar Mari et j’étais alors plus faible que jamais et ma maladie plus forte qu’auparavant."

Un moine chargé du service du monastère apporta à Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi du jus de grenade, persuadé qu’il lui ferait du bien grâce à la bénédiction du monastère. Plein de fantastiques vertus, ce breuvage rendit la santé et l’appétit au malheureux vizir :

"Le moine avait fait cuire des lentilles pour les jeunes gens; j’en demandai et les mangeai avec appétit, je me levai sur-le-champ, je marchai avec joie sur la terrasse et retrouvai immédiatement la santé. Je devins perplexe et m’étonnai - ainsi que tous ceux qui étaient avec moi - de ce qui venait de se passer. Et maintenant, lorsque j’y repense, je m’en étonne encore et j’estime que c’est un signe prodigieux; je le raconte à tous en tout temps et en tout lieu.

Voila ce qui m’a fait croire que les chrétiens ne sont ni incrédules ni polythéistes." (Traduction Bénédicte Landron, P. 291)

Quelques années plus tard, Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi, gravement malade, se plaignit à Elie de Nisibe que son frère, le docteur réputé Abu Said Mansur b. Isa, avait interrompu son traitement médical. Ce médecin ne péchait pas par négligence, mais il avait vu en songe que le vizir approchait de sa fin.

En effet, Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi, qui était encore en fonctions, mourut à Mayyafarikin, en 1027.


Abu Said Mansur b. Isa construit l’hôpital de Mayyafarikin

Les chroniqueurs arabes, comme Ibn Abi Usaybia (1194-1270), mentionnent avec éloges Abu Said Mansur b. Isa, ce médecin de Mayyafarikin, qui avait mérité le surnom de Zahid al-Ulama, "le savant le plus détaché des biens matériels" :

"Zahid al-Ulama c’est Abu Said Mansur b. Isa; il était chrétien nestorien et son frère était métropolite de Nisibe, célèbre par ses vertus. Il exerçait le métier de médecin, au service de Nasr ed-Daula b. Marwan (à qui Ibn Butlân avait dédié le livre "Le banquet des médecins") Nasr ed-Daula était très respectueux envers Zahid al-Ulama, il comptait sur lui dans le domaine de la médecine, et était bienfaisant à son égard. Ce fut Zahid al-Ulama qui bâtit l’hôpital de Mayyafarikin"

Usaybia continue son récit, il explique à ses lecteurs que "la cause de la construction de l’hôpital de Mayyafarikin fut que Nasr ed-Daula b. Marwan avait une fille à laquelle il était très attaché et qui tomba malade. Il se promit que, si elle guérissait, il donnerait en aumônes son poids de drahems. Et lorsque Zahid al-Ulama la soigna, et qu’elle guérit, il demanda à Nasr ed-Daula de consacrer la somme d’argent, qu’il voulait dépenser en aumônes, à la construction d’un hôpital utile à tous. Et ainsi il acquerrait beaucoup de mérites et une renommée excellente. Nasr ed-Daula lui donna l’ordre de construire l’hôpital et il dépensa beaucoup d’argent; il mobilisa des biens fonciers pour assurer les frais de fonctionnement de l’hôpital et il le dota des instruments les plus parfaits." (Usaybia, « Uyun Al Anba Fi Tabaqat Al Atibba", recueil de 380 biographies, publié en Egypte en 1921, réédité à Beyrouth, P.341, traduction Ephrem-Isa YOUSIF)

Âme noble, charitable, louée pour l’excellence de ses mérites, Abu Said Mansur b. Isa dirigea l’hôpital et soigna avec dévouement les habitants de Mayyafarikin.

Il fut aussi un écrivain. Il rédigea plusieurs traités médicaux et un livre sur l’interprétation des songes, des visions. Il s’entendait bien avec son frère Elie qui lui dédicaça l’un de ses ouvrages, le "Livre sur la chasteté".

Le philosophe et médecin Ibn Butlân à la cour de Mayyafarikin

Un autre médecin célèbre de l’époque, Abu ‘l-Hasan al-Muhtar, dit Ibn Butlân, noua des liens privilégiés avec l’émir Nasr al-Dawla b. Marwan. Praticien fort connu à Bagdad, philosophe, logicien, polygraphe, ce syriaque oriental avait été l’élève préféré d’Abu ‘l Faraj ibn al-Tayyeb, prêtre, médecin et commentateur d’Aristote (+ 1043)

Esprit libre, Ibn Butlân entreprit de nombreux voyages en Syrie, en Egypte, à Constantinople. Il visita l’Etat de Mayyafarikin, attiré par sa cour brillante et somptueuse. Il dédia au prince marwanide, pour le distraire, son traité " Le banquet des médecins" satire des docteurs et de leurs moeurs.

Ibn Butlân rencontra Elie de Nisibe, le fréquenta. Le métropolite qui l’appelait amicalement "notre shaykh", n’hésita pas à lui dédier ses "Questions sur l’Evangile".

bn Butlân rédigea d’autres ouvrages, médicaux, religieux, dont un traité d’hygiène, "Takouïm essaya", que nous pouvons traduire par "Rétablissement de la santé". Il se retira à la fin de sa vie dans un monastère près d’Antioche et mourut vers l’an 1066.

Le crépuscule

Les relations d’estime entre Nasr al-Dawla b. Marwan et Elie de Nisibe ne se rompirent qu’à la mort du métropolite qui survint vers l’an 1046.

Nasr al-Dawla b. Marwan, en 1054, dut reconnaître la suzeraineté du Seldjukide Tugril Beg, qui dominait la plus grande partie de la Djézira, mais il conserva ses territoires. Il s’éteignit en l’an 1061.

Cette belle période de paix et d’entente entre les Kurdes et les Syriaques fut riche en réalisations dans le domaine de la vie culturelle. Elle fut intense dans celui du commerce, active dans le secteur de l’artisanat et de l’art, bref, impressionnante. Nasr al-Dawla b. Marwan laissa à Diyar Bakr des inscriptions monumentales qui témoignent encore aujourd’hui du rayonnement artistique de son règne.

Après la mort de Nasr al-Dawla, la puissance des Marwanides s’affaiblit, déclina. Son second fils Nizam lui succéda et régna jusqu’en 1079, puis le fils de ce dernier Nasir al-Dawla Mansur.

La fin de la dynastie marwanide approchait à petits pas, dans un parfum de traîtrise... Ibn Djahir, un ancien vizir, quitta le Diyar Bakr, se rendit à Bagdad. Là, il convainquit le sultan Malik Shah, petit-neveu de Tugril Beg, et le célèbre vizir Nizam al-Mulk de lui permettre d’assiéger Mayyafarikin.

Quand la ville fut prise, Ibn Djahir enleva les vastes trésors appartenant aux princes marwanides et les garda jalousement pour lui. Dès 1085, le Diyar Bakr tomba presque entièrement sous l’autorité directe des Seldjukides. Le dernier émir, Nasir al-Dawla Mansur, garda seulement la ville de Djazirat Ibn ‘Umar.

Malik Shah disparut en 1092, il y eut des troubles après sa mort et le Diyar Bakr reprit un peu d’autonomie.

Cependant les Marwanides ne disparurent pas tout à fait. Ils étaient encore mentionnés au milieu du douzième siècle, dans la chronique du patriarche syriaque occidental, Michel le Syrien, écrite en l’an 1195.

(« Chronique de Michel le Syriaque », J.-B. Chabot, Paris, 1899-1910)

Dès 1134, raconte Michel, le Turc Seldjukide Zangi, gouverneur de Mossoul, envahit plusieurs fois le territoire kurde, dirigea des expéditions contre des tribus qui se soumirent à lui, s’empara de leurs citadelles. Après la prise d’Edesse, en 1144, Zangi voulut assurer sa domination sur les émirs voisins. Ces derniers, méfiants, démolirent, dans la région de Nisibe, des forteresses qui ne pouvaient se défendre contre la puissance de Zangi et les laissèrent désertes.

L’un des descendants des Marwanides, Ahmad, détenait encore la forteresse de Hataka. Ce ne fut pas Zangi mais l’émir de Mardin, Timurtas Hosam al-Dîn, fils du puissant prince Il-Ghâzî (+ 1122 ), de la famille des émirs artuqides, qui désira s’en emparer et l’assiégea longtemps. Cette petite dynastie turque s’installait peu à peu dans le Diyar Bakr, où elle régnera de 1102 à 1408.

Le Kurde demanda bientôt à traiter :

"A cette époque, la place forte de Hataka, qui n’était jamais tombée aux mains des Turcs, était entre les mains d’un homme de la famille des Benê Marwan, qui avaient le titre de rois et leur résidence à Maipherqat. Il y eut entre ces seigneurs de la discorde, des querelles et des combats. Hossam ed-Dîn, voyant que les Curdes n’avaient point d’auxiliaires, et qu’ils étaient opposés les uns aux autres, les assiégea pendant un an et quatre mois. Alors Ahmed demanda à traiter. Timourtas lui donna de l’or et des villages dans son pays, et prit la forteresse. Ensuite le Curde se repentit, et chercha du secours près du seigneur d’Amid, afin de pouvoir reprendre la forteresse; mais il ne put y réussir. " ( Chronique de Michel le Syrien, Tome III, P. 264)

Ainsi finit la belle épopée des Marwanides, qui avaient régné sur la province du Diyar Bakr, subjugué les peuples voisins. N’avaient-ils pas brillé comme la couronne de neige d’un blanc étincelant sur la haute montagne ? Leur souvenir et celui des chroniqueurs, des savants chrétiens de la Haute-Mésopotamie, demeure aujourd’hui vivace dans la mémoire des Kurdes et des Syriaques.

12 septembre 2000


Tableau chronologique des princes marwanides



Al-Hasan ibn Marwan (990-997)

Mumahhid al-Dawla Sa’id (997-1011)

Nasr al-Dawla Ahmad ibn Marwan (1011-1061)

Nizam al-Dawla Nasr (1061-1079 )

Nasir al-Dawla Mansur (1079-1085)



Savants syriaques

Gabriel b. ‘Abd Allah ibn Bohtisho : + vers 1002

Elie de Nisibe : 975- 1046

Abu Said Mansur ibn Isa : (Même époque)

Ibn Butlân : +1066

Michel le Grand :1126-1199

Bar Hébraeus : 1226-1286

Kurdish Princes and Syriac Scholars

This day, I began to dream to High-Mesopotamia and its heroes. I found myself at the end of the tenth or rather eleventh century A.D. It was like the waves of our time flooded back to an else age, uncovering some lands rich in history.

The Marwanid princes' dynasty ruled then on the vast province of Diyar Bakr, from 372-478 h./983-1085 to AD.

How finding again their brilliant deats, their suzerain power, their ardent glory, their heroïc legend ? They lived a time where youth, audace, skill, cleverness, spared to found a new state, a bright dynasty...


Jezira

The Diyar Bakr (chief-town Amid , today Diyâr Bakr) was one of the three districts of Jezira, "peninsula" as ancient authors called Upper-Mesopotamia, a region that spreads between the upper Tigris and the Euphrat. Jezira included too the districts of Diyar Rab’ia (chief-town Mossul) and Diyar Mudar (chief-town Rakka, on the left side of the Euphrate). It corresponded to a land situated nowadays in Syria, Irak and Turkey.

Kurds of Indo-Aryan origins, lived there with other people in the Diyar Bakr, a province far from Bagdad, on the Byzantine border, that included, besides Amid, some other cities and their lands : Arzan, Mayyafarikin, Hisn-Kayfa (today Hasankeyf), Khilat, Melazgerd, Arjish, and a district at the North-East of the Van Lake.


The beginning of the Marwanid dynasty

The chronicler of Jezira in the XIIth century, Ibn al-Azrak al-Fariki, an Arabic writer as Ibn al-Athir, the Syriac chroniclers Elias of Nisibis and the Great Michael, enjoyed telling the Marwanids' history.

The founder of the dynasty was a Kurdish shepherd, Abu Shuja ’Badh b. Dustak. He left his cattle, took up arms and became a valiant chief of war, obtaining celebrity. When a member of the Iranian dynasty of Buyid,‘Adud al Dawla, who ruled the islamic empire, died in 983, Badh took Mayyafarikin, a city of the North-Eastern Diyar Bakr. Formerly it was Martyropolis, and nowadays it calls Silvan. He took too Amid, Akhlat and Nisibis.

The latter city, at the south of Tur ‘Abdin moutains (today Nusaybin, in Turkey) had got an ancient past. Borderland between the Sassanids and Byzantins territories, it was too a transit point for caravans. It had been subjected by Arabians in 639.


The chronicler Elias of Nisibis and the Marwanids

A Syriac chronicler, Elias, the Metropolit of Nisibis, was an awared witness of Marwanids' coming out. In his writings, he praises these wise and tolerants emirs. Didn't they know make bond of esteem, respect, friendship whith Eastern-Syriac authors (Nestorians) and Western Syriac (Jacobits), whose mostly stayed in the cities of their principality and lived without troubles with Kurds and Arabians ?

(C.f C. Hillenbrand. « Marwanides », Encyclopédie de l’Islam, N.E, tome VI, Brill 1991, P. 611-612)

Who were the Syriacs ? The heirs of old Assyrians, Babylonians, and Arameans too. They spoke an Aramean dialect, of which they made an intellectual and scientific language, the Syriac. They converted to christianismat the first time of our era. Edessa and its region was an active center of evangelization.


Elias of Nisibis, who called too Elias bar-Shenaya, borned on February 11th 975 in the town of Shena, that is at the confluence of the Tigris and the Great Zab, and was the center of an Eastern-Syriac diocese since the beginning of the VIIIth century. He became a monkey. He was ordinated priest at 19 years and then was nominated at the convey of d’Abba Simeon, not far from Shena. He still studied at the monastery of Saint-Michael, next to Mosul, a place that was very appreciated by Arabic authors for its vineyards.

In 1002 Elias of Nisibis became the bishop of Beit Nuhadhre, in the fertile region of Dohuk, and after 1008, the metropolit of Nisibis.

At the beginning of the XIth century the city was very attractive, with beautiful buildings, a mosquee, baths and rich gardens. Politically and administratively it depended on the emir of Diyar Bakr.

Since a long time Nisibis was an important religious center. It had got a famous school, founded by the bishop James of Nisibis at the IVth century.

At the Vth century, like the ecclesiastical center of Bét ‘Arabayé, Nisibis had several dioceses as Bét Qardu, the Jezira of Bét Zabdaï, Moxoen, a region between the Van Lake and the Bohtan Su, Arzanen, at the north of the confluence of the Bohtan and the Tigris. At the time of Elias, Harran, Amid, Rashaïna, Balad and Sinjar were attached to the siege of Nisibis.

Elias the Metropolit lived in this town until his death, in 1146, and devoted himself to many intellectual works. He practiced Syriac, Arabic,and he knew the islamic culture. His works are numerous, like his Chronography,a Syriac Grammar, an Arabian-Syriac lexic, hymns, metric homilies, and some letters written in Syriac.

Elias of Nisibis wrote in Arabic some theological and moral works. These are some titles :

- "The Book of the suppression of agitation" (Edition Constantin al-Bacha, Le Caire)

- "Useful Maxims for the soul and the body" (Edition P. Sbath, Le Caire, 1936)

-"Treaty of enjoyment in the future life". (L.Cheikho, Vingt Traités Philosophiques et Apologétiques d’Auteurs arabes Chrétiens, Le Caire 1929, P. 129-132)

His Chronography, dated of 1018, has still a great importance for the Kurdish history, becauses its author gave to us many precious details about the life of the first Marwanid sovereigns and the relations of Syriac scholars with the Kurds.


The tragedy of the emir Abu ‘Ali al-Hasan b. Marwan

Elias of Nisibis mentionned shortly the life of Abu ‘Ali al-Hasan.

After the death of his uncle Badh, the elder son of Marwan came back to Hisn-Kayfa, married the widow of the old warrior chief. He fought the last Hamdanids, confused them and took again all the fortresses.

Elias related the tragic end of this prince who was killed in Amid in 997 by insurged inhabitants. His brother Abu Mansur Sa’id succeeded to him, under the name of Mumahhid al-Dawla.

(For quotations, I rather to keep the transcription of names that has been adopted by the translators of Syriac texts) :

" Then the emir Abu ‘Ali, son of Merwan, went to Amid and the inhabitants came out toward him. As he entered in the gate of the city a man called ‘Abd el Barr killed him, revolted and ruled the city. Abu Mansur Sa’id, son of Merwan, was then governor of Gezirta. When he learned that his brother had been killed, he went promptly to Maïpherqat and opened his reign on Thirsday 7th Dulqa’da [11th November 997 B.C]. Since that moment he took the name of Mumahhid ed-Daula."


(The « Chronography of Elias bar-Sinaya, Metropolitan of Nisibe », edited and translated by L.-J. Delaporte, Paris, 1910, P. 138)

Mumahhid al-Dawla Sa’id and the physician Bokhtisho

Mumahhid, a skilful diplomate, could make use of the Byzantins'ambitions, who were present in Northern-Anatolia. The relations of this prince with the emperor of Byzance Basile II (976-1025) were quite friendly. When Basile learnt the murderer of David, the king of Gorzan, (Upper-Georgia), who had left by testament his kingdom to the Byzantine empire, he stopped the campaign that he had begun in Syria for making sure of Arabian emirs'obedience and he crossed the Euphrat. He annexed David's state, received vassals' oath, when they came toward him, like Mumahhid ed Daula, who "set foot on his carpet", i 999 :

"Then ( 390 h. / 1311 sél. ) died David, the king of Gorzanaens. The king of Romans, Basile, went out in the land of Gorzan. Mumahhid ed Daula came toward him and walked on his carpet. The king received him merrily and make him lord. Then peace was set on borders" (Idem P. 138)
Mumahhid ed Daula took advantage of peace for restoring the walls of his capital Maïpherqat, the siege of his sovereignty, and made inscribe on it his name, that is still shining nowadays.

In 1000, he asked to the Buyid emir Baha’ al Dawla to send to him the Christian physician Gabriel b. ‘Abd Allah b. Bokhtisho, who was attached to the hospital of Bagdad. The latter descended from the famous family of Bokhtisho, that was at the Abbassid caliphes' service since Al Mansur (754-775). Though he was 80 years old, Gabriel went up with his son to the small strenghened city of Mayyafarikin for taking his functions. He died there two years later, honoured and wealthy.

Mumahhid al-Dawla Sa’id had a tragic end, like his brother Abu ‘Ali al-Hasan. Unhappy, sad, Elias of Nisibis regretted a long time his prince. He qualified as impious, a very strong term for Syriacs, the man who killed by treachery "the blessed emir", which he valued so much. The young brother of Mumahhid, Nasr al-Dawla Ahmad, fought immediately the murderer. God, in His justice, made him victorious in 1010 :

"Then the impious Sarwin used treachery to kill in the night of Thirsday 5th Gumada I [14 December 1010 B.C.] the blessed emir Mumahhid ed-Daula. But the Lord gave victory to Abu Nasr, Mumahhid ed-Daula's brother, and delivered to his hands. He killed him and became emir under the name of Nasr ed-Daula." (Idem, P. 141)


Nasr al-Dawla Ahmad b. Marwan the victorious emir

The third Marwan's son, acceded to the throne, after both precarious reigns of his elder brothers. As a clever politician, he could skilfully impose on the Buyid emir Sultan al-Dawla, the Fatimid caliph of Egypt Al Hakim and on the emperor of Byzance Basile II. All of them sent him congratulations. They represented the great powers that surrendered the state-plug of Mayyafarikin.

Elias of Nisibis tale that Nasr al-Dawla Ahmad b. Marwan, "the victorious emir", subdued again, in 1011, Amid, an important city of his territory, that was then dominated by his vassal Ibn Dimne :

"Then the victorious emir Nasr ed Daula went to besiege Amid and pressed Ibn Dimne. When Ibn Dimne saw that he couldn't hope in any help, he submit to Nasr ed Daula. Some officials and tax collectors dominated the city and got powerfull. - An then Ibn Dimne was killed. Some people of Amid killed him. Nasr ed Daula." (Idem P. 141)


Nasr al-Dawla Ahmad, according to other sources, subdued Amid again about 1024.


He signed with the empire of Constantinople a pacte of mutual non-agression, but violated it once or twice. The renown of this Kurdish muslim prince grew so such that the inhabitants of al-Ruha, (Edessa), at the west, called him for being released of an Arabian chief. Nasr al-Dawla b. Marwan took the city of Edessa in 1026-27, and added it to his possessions. The famous western-Syriac author Abu’l Faradj Bar Hebraeus (1226-1286) related the war as following :

"The same year, Nasr al-daula b. Marwan, the lord of Diyâr Bakr, ruled on the city of Edessa, which belonged to a man of the Numayr tribe, called Athyra, who was bad and ignorant. Edessenians wrote to Nasr al-daula for delivering him the country. Nasr al-daula sent his lieutenant, who stayed in Amid and called Zingi. Zingi conquered the town and killed Athira."


(Bar Hébraeus, « Chronique universelle », Mokhtassar al-Doual, Beyrouth, P. 180)

So Nasr al-Dawla annexed Edessa, but the city was retaken gladly by the king of Byzance in 1031. Didn' it have a special status in the story of christianism ?

The long rule of Nasr al-Dawla Ahmad meaned the apogee of Marwanids' power. He built a new citadel on a hill of Mayyafarikin where stood the Church of Virgin, he built bridges and public baths. He restored the observatory. Some libraries fit out the mosques of Mayyafarikin and Amid.

The magnanimous, just and pragmatical sovereign brought around him, in the noble city animated by the sun of Orient, some ascetes, scholars, historians as Ibn al-Athir, and poets as ‘Abd Allah al-Kazaruni, al-Tihami. He sheltered political refugees as the futur Abbassid caliph Muktadi (1075-1099). He seeked for the most beautiful concubines, the best cooks, but, exceedingly pious, he consciously obeyed to religious obligations. His bright court impressed visitors by its luxe and its singular refinement, held them a time, elated them like a cup of precious wine.


The vizir Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi and the Metropolit Elias

Nasr al-Dawla b. Marwan ruled during more than fifty years, and maintained peace among his people. He chosed eminent vizirs, who gave to the Diyar Bakr a great economical and cultural prosperity. Let mention among them Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi who was too at first the vizir of the prince ‘Uqaylide from Mosul, Kirwash b. al-Mukallad, then of the caliph of Bagdad, al-Kadir.

Al-Maghribi served Nasr al-Dawla in Mayyafarikin and kept his functions from 1025 to 1027. He was a cultured man and had got a rich library. He wrote some political works, among wich a manual about the best government, Kitab fil-Siyasa, adressed to a monarch, undoubtedly Nasr al-Dawla b. Marwan.

In the Kurdish principality of Mayyafarikin, Al-Maghribi had friendly bonds with Syriac scholars among his own subjects. He liked to talk about religious problems with Elias, the Metropolite of Nisibis, a pious man, who was set on knowledge and science, with a accute judgement, tactful and a good sense of diplomacy.

In an apologetic essay, "The book of conversations", about some talkings he had got in 1026-7 with the great vizir, Elias related with talent their first meeting :

" The vizir - God bless him - entered in Nisibis on Friday 26th of the first Jumâdâ in last year, then in 410. [Arabic year 410 /1026 of christian calendar] I came to see him the next saturday (I had never seen him before); he called me, honoured me and made me to sit down beside him. After having prayed God for him and congratulated him for his coming, I got up for going away but he stopped me and said : "Let know that I wanted to meet you since a long time and see you a lot, I want you entirely to my service for coming in my home and going from it at any time I would like it". I answered that I haven't any wish but obeying to him and I sat down again. "

(Elie de Nisibe, « The book of conversations », translating by Bénédicte Landron, « Nestorian attitudes toward Islam », Cariscript, Paris, 1994, P. 290)

Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi related then to the Metropolit that he had seen, during a travel, a prodigious sign. This sign made him believe that Christians were not so unfaithful that he had had supposed :

"At first, here what I have seen and put me in doubt about their unfaithfulness. When I was for the first time in the Diyar Bakr, I went to Bidlis [today Bitlis, at the west of the Van Lake] for some deals that I had in charge. Reaching this town, I fell so seriously ill that all my forces left me, and I lost any taste for everything and despaired of life. I went for coming back to Mayyafarikin for, in the case where God - I praise Him - would have decided for me of what nobody could escape, it would happen in this town or near to it. I couldn't take no food nor drinks, and suffered deeply of that exhausting ride by horse. Each day I went on a short distance while my weakness increased, while my forces went away, my illness became worse and worse and more and more serious; I reached a monastery on the road, that is called the monastery of Mar Mari and I was at the weakest state and my disease at the highest point."


A monkey at the service of the monastery brought to Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi a granada juice, convinced that it will be benefit because of the blessing of the monastery. Full of magic powers, that drink rescued him and rendered appetite to the unfortunate vizir :

"The monkey had cooked some lenses for the youths; I asked a part and ate with appetite ; I got up immediately, I walked merrily on the terrace and became immediately healthy. I was perplexed and suprised - and all of these who were with me - of what did happen. And still now, when I think of that, I am surprised again and I think that is a prodigious sign; I tale it to everybody and everywhere.

This have made me believe that Christians are neither unfaithfull nor polytheist." (Translation Bénédicte Landron, P. 291)


Many years later, Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi, seriously ill, complained to Elias of Nisibis that his brother, the famous physician Abu Said Mansur b. Isa, had stopped his medication. The physician didn't sin by negligence, but he had seen in a dream that the vizir was near to his own end.

And indeed, Abu al-Kasim al-Husayn al-Maghribi, who had still kept his functions, died in Mayyarikin, in 1027.

Abu Said Mansur b. Isa built the hospital of Mayyafarikin

Some Arabic chroniclers, as Ibn Abi Usaybia (1194-1270), mentioned praisely Abu Said Mansur b. Isa, this physician of Mayyafarikin, who had deserved the name of Zahid al-Ulama, "the scholar who is the most unconcerned by earthly goods" :

"Zahid al-Ulama is Abu Said Mansur b. Isa; he was a Nestorian christian and his brother was metropolit in Nisibis, famous by his virtues. He practiced medicine, at Nasr ed-Daula b. Marwan's service (whom Ibn Butlân had dedicated the book "The physicians' banquet"). Nasr ed-Daula was very respectful with Zahid al-Ulama, he stood on him on the question of medicine and was goodwill for him. Zahid al-Ulama built the hospital of Mayyafarikin"

Usaybia goes on his tale and explains to his readers that"

the reason of the construction of an hospital in Mayyafarikin was that Nasr ed-Daula b. Marwan had a daughter of which he was fond a lot and who became ill. He promised to himself that, if she was cured, he will give as alms his weight in drahems. And when Zahid al-Ulama cured and saved her, he asked to Nasr ed-Daula if he would like, with the account of money that he wanted to spend in alms, building an hospital that would be useful for everybody. And thus, he would benefit of much deserves and excellent renown. Nasr ed-Daula ordered him to built the hospital and he spent much money; he engaged land goods to warrant the expenses of the activities of the hospital and he dotted it by the most perfect tools." (Usaybia, « Uyun Al Anba Fi Tabaqat Al Atibba", a collect of 380 biographies, published in Egypt in 1921, republished in Beyrouth, P.341, translating by Ephrem-Isa YOUSIF)


With a noble spirit, pitiful, praised for the excellence of his deserves, Abu Said Mansur b. Isa led the hospital and cured with devotion the inhabitants of Mayyafarikin.

He was a writer, too. He wrote many essays about medicine and a book about the interpretation of dreams and visions. He was in good terms with his brother Elias who dedicated to him one of his works the "Book of chastity".


The philosopher and physician Ibn Butlân in the court of Mayyafarikin

Another famous physician of this time, Abu ‘l-Hasan al-Muhtar, called Ibn Butlân, bound closed links with the emir Nasr al-Dawla b. Marwan. He was a well-known expert in Bagdad, a philosopher, a logician, a polygraph. This Western-Syriac man had been the favorite disciple of Abu ‘l Faraj ibn al-Tayyeb, a priest, physician and commentator of Aristote (+ 1043)

Open-minded, Ibn Butlân made numerous travels in Syria, Egypt, Constantinople. He visited the state of Mayyafarikin, attracted by its bright and sumptuous court. He dedicated to the Marwanid, for enjoying him, his treaty " The physicians'banquet" that was a satire of physicians and their behaviors.

Ibn Butlân met Elias of Nisibis and bound relations with him. The Metropolit who called him friendly "our shaykh", didn't hesitate to dedicate to him his "Questions about the New Testament".



Ibn Butlân wrote else works, about medicine, religion, among which a treaty of hygiene, "Takouïm essaya", that we could translate as "Recovering health". He retreated at the end of his life in a monastery next to Antakya and died in 1066.

Twilight

The bond of esteem between Nasr al-Dawla b. Marwan and Elias of Nisibis ended only with the Metropolit's death, circa 1046.

Nasr al-Dawla b. Marwan, in 1054, had to aknowledge as his own liege Tugril Beg the Seljuk, who ruled on the largest part of Jezira, but he kept his territories. He died in 1061.

This fine period of peace and good feelings between Kurds and Syriacs was rich in creations in the field of cultural life. It was dense for trade, active for arts and crafts, impressive in short. Nasr al-Dawla b. Marwan left in Diyar Bakr monumental inscriptions that show still now the artistic brightness of its reign.


After Nasr al-Dawla's death, the Marwanids'power declined and grew weak. His second son, Nizam, succeded to him and ruled until 1079, then followed his son Nasir al-Dawla Mansur.

The end of the Marwanid dynasty minced along, in a scent of treason... Ibn Jahir, a former vizir, left the Diyar Bakr, and came to Bagdad. There, he could convince the sultan Malik Shah, a grand-nephew of Tugril Beg, and the famous vizir Nizam al-Mulk, to allow him for assaulting Mayyafarikin.

When the city was taken, Ibn Jahir took off the great treasures that belonged to the Marwanids and detained them greedily for himself. Since and after, the Diyar Bakr fell almost entirely under the direct rule of Seljukids. The last emir, Nasir al-Dawla Mansur, kept only the city of Jazirat Ibn ‘Umar.

Malik Shah died in 1092, and troubles following his death, the Diyar Bakr became a few more independant.

However, the Marwanids did not all go out. They were still mentionned at the middle of the XIIth century, in the chronique of the Western-Syriac patriach, Michael the Syrian, written in 1195.

(« Chronique de Michel le Syriaque », J.-B. Chabot, Paris, 1899-1910)

Since 1134, wrote Michael, the Turkish Seljukid Zangi, governor of Mosul, invaded many times the Kurdish land, led some expeditions against tribes that he submit, and took their citadels. After the conquest of Edessa, in 1144, Zangi did want to assure his domination on neighbouring emirs. These latter, suspicious, demolished in the region of Nisibis, the fortresses they coudn't defend agaisnt Zangi's power and let them empty.

One of Marwanids' descendants, Ahmad, held still the fortress of Hataka. It was not Zangi but the emir of Mardin, Timurtas Hosam al-Dîn, the son of the powerful prince Il-Ghâzî (+ 1122 ), of the Artuqids' family, who desired to take it and made a long siege. This small Turkish dynasty set on step by step in the Diyar Bakr, where it ruled from 1102 to 1408.

The Kurd asked quite prompty an agreement :

"At this time, the strong place of Hataka, that had never fallen down in Turks' hands, belonged to a member of the Benê Marwan family. They have got the title of king and live in Maipherqat. Between these lords came out discord, quarrels and struggles. Hossam ed-Dîn, observing that Curds had not auxiliary and were opposed each others, besieged them during one year and four months. Then Ahmed asked an agreement. Timourtas gave him gold and some villages in his country, and detained the fortress. But the Curd regret it and asked help to the lord of Amid, for retaking the citadel; but he failed. " ( Chronique of Michael the Syrian, Tome III, P. 264)


So ended the fine epic of Marwanids, who had ruled on the province of Diyar Bakr, and subjected the neighbouring peoples. Did not have shined like the sparkling crown of snow on high mountains ? Their memory and the memory of chroniclers, Christian scholars of Upper-Mesopotamia, remains todays in Kurds and Syriacs' remambrance.

Ephrem-Isa YOUSIF

September 12th 2000





Chronological tables of the Marwanid princes



Al-Hasan ibn Marwan (990-997)

Mumahhid al-Dawla Sa’id (997-1011)

Nasr al-Dawla Ahmad ibn Marwan (1011-1061)

Nizam al-Dawla Nasr (1061-1079 )

Nasir al-Dawla Mansur (1079-1085)



Syriac scholars

Gabriel b. ‘Abd Allah ibn Bohtisho : + vers 1002

Elie de Nisibe : 975- 1046

Abu Said Mansur ibn Isa : (Même époque)

Ibn Butlân : +1066

Michel le Grand :1126-1199

Bar Hébraeus : 1226-1286